La carburation : théorie et méthode de réglage par François LINANT
LA CARBURATION
La carburation d'un moteur 2T ou 4T consiste a préparer le mélange Air/Essence destiné a la combustion du moteur. La qualité d'un bon mélange est caractérisée par son homogénéité et sa proportion air/essence communement appelée richesse.
L'homogénéité
L'homogénéité du mélange est l'image de la pulvérisation du carburant (essence) dans le comburant (air), plus la pulvérisation est fine et répartie de façon régulière, et plus la combustion du mélange sera rapide et complète.
Ainsi un mélange homogène peut augmenter les performances d'un moteur, tout simplement parce que une combustion rapide va augmenter la pression à l'intérieur du cylindre et par conséquent l'effort appliqué sur le piston. D'autre part si la combustion du mélange est complète, le rendement du moteur sera augmenté, autrement dit la consommation réduite.
L'homogénéité est le fruit d'un carburateur de bonne qualité et d'une veine gazeuse de qualité, pour cela on trouve régulièrement des chambres de tranquillisation à l'entrée des filtres à air, des conduits d'admission polis, etc.
La richesse
Partie fondamentale de la carburation, elle gère la température de combustion et donc des gaz d'échappement, elle gère la puissance du moteur, sa consommation, sa limitation en régime (en 2T), elle est aussi responsable de la lubrification des moteurs 2T, ainsi elle constitue l'élément primordial du comportement général du moteur.
La richesse est dite égale à « 1 » lorsque la proportion air/essence est de 15 grammes d'air pour 1 gramme d'essence. Ainsi lorsque, dans un cylindre théorique, on provoque la combustion d'un mélange à richesse « 1 », la totalité du carburant va être oxydée par la totalité de l'oxygène, autrement dit la combustion est complète, il n'y aura donc ni oxygène ni carburant à l'échappement. Si il y a un excès de carburant dans le mélange la richesse est supérieure à 1, si au contraire il y a un excès d'air la richesse est inférieure à 1.
Cependant, la réalité est toute autre, en effet le mélange à richesse 1 n'a aucune chance de provoquer une combustion complète, et cela pour plusieurs raisons, la première est qu'une partie du carburant délivrée par le carburateur va se déposer sur les parois du moteur, et celles-ci étant trop froides cette partie du carburant échappe ainsi à la combustion. D'ailleurs plus les parois du moteur sont froides plus le carburant va se déposer dessus, et plus il sera nécessaire d'augmenter la proportion de carburant pour combler la perte, généralement par l'action du « starter ». La seconde raison qui pousse à dépasser la richesse 1 pour obtenir une combustion complète est que le mélange air/essence n'est jamais complètement homogène, ainsi une quantité non négligeable d'air ne rencontre pas de carburant à oxyder. Ainsi en augmentant la richesse du mélange on augmente les chances d'utiliser 100% de l'oxygène destiné à la combustion.
Lorsque la totalité de l'oxygène contenu dans le mélange est oxydé, le volume de gaz généré est maximum, ainsi la pression à l'intérieur du cylindre est augmentée et par voie de conséquence la puissance du moteur aussi. Cependant c'est aussi le moment où la température des gaz est maximale, c'est la raison pour laquelle on utilise la richesse 1 uniquement pendant les charges partielles, autrement dit de 15% à 85% de charge moteur, au delà de 85% de charge la quantité d'énergie risque d'être trop importante pour les différents constituants du moteur, avec en première ligne, la bougie… Ainsi pour protéger le moteur, on augmente la quantité de carburant, et cela pour une raison très simple, le carburant en « surplus » va se charger en calories réduisant ainsi la température des gaz. Ainsi plus on est riche, plus les gaz d'échappement sont froids et chargés en carburant. Malheureusement la consommation du moteur est très sensible à cet excès de carburant. D'une manière générale plus on monte en régime plus la puissance du moteur augmente, et plus il est nécessaire d'enrichir, ainsi on peut atteindre des richesses de 1,30 au régime de puissance maximale.
Au delà du régime de puissance maximum la veine gazeuse dans le conduit d'admission s'étire, ainsi la pression passe en dessous de la pression atmosphérique, cependant la quantité de carburant continuant d'augmenter, on atteint des richesses de 1,4 voir 1,5. A ces sur-richesses la combustion se dégrade énormément et la puissance du moteur chute inévitablement, le moteur ne parvient plus à monter en régime.
En dernier lieu la richesse est importante pour la lubrification du moteur 2T car la proportion d'huile destinée à lubrifier le moteur est directement liée à la quantité d'essence. Dans le cas d'une richesse inférieure à 1 le moteur risque d'être sous lubrifié, à l'inverse, lorsque la richesse est supérieure à 1 le moteur fume.
REGLAGE CARBURATION
Un petit rappel pour ceux qui auraient zappé le début du dossier :
- Une carburation trop riche est une carburation qui contient trop d'essence ou pas assez d'air. Symptômes : le moteur n'arrive pas à monter à son régime maximum, il fume énormément, dès que le moteur chauffe (difficilement) il cale, dans ce cas on dit que le moteur se noie.
- Une carburation trop pauvre est une carburation qui ne contient pas assez d'essence ou trop d'air. Symptômes : quand vous accélérez il y a comme un trou, le moteur perd son régime et il ne fume pas du tout, comme une panne d'essence, si vous ne coupez pas les gaz à ce moment, le moteur cale, dans ce cas on dit que le moteur s'étouffe.
Avant toute modification
Avant toute modification des réglages du carburateur, il y a un minimum d'entretien à faire. En effet la plupart des pannes qui sont liées à la carburation ne sont pas liées à une dérive du réglage du carburateur, mais dans la plupart des cas à un mauvais entretien du carburateur et de son filtre à air. Alors pour commencer je vous conseille de démonter votre filtre à air et votre carburateur, de nettoyer votre filtre à air à l'essence abondamment, puis de remettre la juste quantité d'huile de filtre dessus. Ensuite avant de commencer à démonter votre carburateur, notez à combien de tours sont serrées vos vis de richesse et de ralenti. Ensuite démontez la cuve de votre carburateur, regardez si vos flotteurs sont parallèles au plan de joint du carburateur quand le pointeau bouche l'arrivée de carburant. Démontez vos gicleurs, notez leur calibre, passez un coup de soufflette dans tout les conduits possibles et vérifiez que l'air sort par une extrémité pour garantir que tous les trous sont débouchants. Relevez aussi la position de l'aiguille du boisseau.
Attention : au remontage de ne pas visser de travers - vous vissez dans de l'aluminium - inutile de serrer très fort, il ne faut JAMAIS forcer. Une fois tout remis en ordre de marche, essayez la moto pour voir si votre problème est résolu !
Voici tout d'abord un petit graphique avec le degré d'influence des différents éléments du carburateur en fonction de l'ouverture de la poignée des gaz :
Réglage vis d'air et choix du Gicleur de ralenti
Le moteur doit être chaud, donc fonctionnement sans starter (choke) impossible de toucher la culasse sans se brûler. On commence par ce réglage car le circuit de ralenti débite en permanence, quelle que soit l'ouverture du boisseau (voir tableau au dessus)
On serre la vis de richesse à fond (inutile de forcer, il suffit de mettre la vis en butée) puis on la dévisse de 2 tours ½, au delà de cette position, la vis n'ajoute pas d'avantage d'air dans le circuit de ralenti. On augmente le régime de ralenti avec la vis de ralenti jusqu'à un régime de ralenti assez élevé (pas le ralenti normal). On laisse le régime moteur se stabiliser et on visse la vis d'air 1/4 de tour par 1/4 de tour jusqu'à sentir une baisse de régime. A chaque 1/4 de tour, il faut attendre que le régime se stabilise. Quand on a obtenu cette baisse de régime, on revient à la dernière position où le régime moteur était élevé et on resserre de 1/8éme de tour. On contrôle que le réglage de la vis d'air de ralenti est compris entre 1 et 2 tours à partir de la position "vissée à fond". S'il y a moins d'1 tour, il faut augmenter la taille du gicleur. S'il y a plus de 2 tours, il faut diminuer la taille du gicleur. Et on recommence la procédure ... Quand on a obtenu un résultat correct, on refait tomber le régime de ralenti moteur à une valeur normale avec la vis de ralenti.
Gicleur principal
Le gicleur principal détermine la carburation sur la plage 3/4 à pleine ouverture du boisseau (= de la poignée).On va se baser sur la couleur de la bougie pour déterminer le bon réglage. Il ne faut pas utiliser une bougie neuve, mais une bougie calaminée, car c'est celle-ci qui change de couleur. Pour obtenir une coloration parlante de la bougie, il va falloir effectuer ce qu'on appelle un arrêt bougie. Si vous avez un doute sur la richesse de votre carburation, que vous pensez que celle-ci est trop pauvre (pas assez d'essence ou trop d'air), pour éviter une détérioration de votre moteur avant d'effectuer ces tests, monter un gicleur plus gros (5 ou 10 points de plus). Le moteur est chaud, vous choisissez une ligne droite longue et dégagée et vous tirez à fond sur le dernier rapport pendant une dizaine de secondes (si votre dernier rapport ne prend pas tous ses tours prenez l'avant-dernier). Ensuite, simultanément, vous débrayez, coupez les gaz et le moteur au coupe-contact. Vous démontez la bougie et vous regardez la couleur de l'isolant de l'électrode centrale et du culot. Si l'isolant de l'électrode centrale est sec et marron très clair et le culot de la bougie couvert d'un dépôt sec de suie noire, la carburation à plein régime est correcte. Si l'isolant de l'électrode centrale est marron foncé et le culot de la bougie encrassé et humide, la carburation à plein régime est trop riche, il faut monter un gicleur principal plus petit. Si l'isolant de l'électrode centrale est blanchâtre, la carburation à plein régime est trop pauvre il faut monter un gicleur principal plus gros.
Avant de changer de gicleur pour un plus petit ou un plus gros, déterminez la marge (par exemple : culot très blanchâtre : +5 points) pour aller vers le bon gicleur puis affinez de 2 en 2 et recommencez cet "arrêt bougie" à chaque changement de gicleur.
Aiguille
Son influence est sensible sur la plage 1/4 à 3/4 de l'ouverture du boisseau. Une plage que l'on utilise la plupart du temps. On vérifie que l'aiguille est positionnée au cran du milieu (3éme), on compte les crans à partir du haut (le 5éme est le plus bas). Il faut choisir un chemin dégagé en légère montée pour que le moteur soit toujours en charge. Vous passez le 4ème rapport, vous positionnez la poignée de gaz à 1/4 de l'ouverture et vous laissez le régime se stabiliser.- Vous êtes en léger sous régime (la sonorité du moteur est un peu étouffée). Vous tournez lentement la poignée au début, puis plus franchement ensuite en accompagnant la montée en régime jusqu'à 3/4 d'ouverture. Si tout se passe bien, qu'il n'y a ni trous, ni à-coups, c'est parfait. Si le moteur s'étouffe avant de prendre ses tours, la carburation du circuit intermédiaire est trop pauvre. Il faut changer la position du clip (4éme cran) et refaire l'essai. Si c'est toujours trop pauvre il faut changer l'aiguille. Évitez d'utiliser le 5éme cran.
Si le moteur " balbutie " (bleubleubleu….) avant de prendre ses tours, la carburation du circuit intermédiaire est trop riche. Il faut changer la position du clip (2éme cran) et refaire l'essai. Si c'est toujours trop riche, il faut changer l'aiguille (ou le puits). Eviter d'utiliser le 1er cran. Si vous avez un doute sur la réaction de votre moteur, et/ou que vous voulez connaître le bruit et le fonctionnement de votre moteur lorsque la carburation est trop riche : A l'arrêt, au point moteur, bouchez en partie l'arrivée d'air sur la boite à air, et accélérez de ¼ à ¾ d'ouverture de poignée. Ce réglage est le plus difficile à réaliser. N'hésitez pas à faire de multiples essais.
Réglage final de la vis de richesse
Au début du texte je vous ai parlé de préréglages du circuit de ralenti. Il était nécessaire pour effectuer les autres réglages. Mais maintenant, on va faire un réglage définitif. L'intérêt de ce peaufinage est d'obtenir une réponse franche du moteur à l'ouverture rapide de la poignée de gaz. Le moteur est chaud. Vous vous asseyez sur la moto. Vous êtes au point mort. Vous prenez la poignée de gaz à pleine main et vous accélérez franchement. La montée en régime doit être instantanée.- Si ce n'est pas le cas, corrigez le réglage en vissant ou dévissant (selon le type de réponse obtenue, caractéristique d'une carburation trop riche ou trop pauvre…) par 1/4 de tours la vis de richesse jusqu'à obtenir la bonne réponse.
COPYRIGHT
Cet article est reproduit ici avec l'aimable autorisation de François LINANT. Il reste sa propriété intellectuelle.